BELYASMINE ELMUSTAPHA
ELJADIDA
El Mustapha Belyasmine, diplômé de l’École des Beaux-Arts de Tétouan, est l’un des peintres marocains les plus doués de sa génération. Ses toiles étonnantes offrent une fusion radicale d’éléments d’impressionnisme traditionnel, de néo-expressionnisme, et même de réalisme, le tout métamorphosé par son immense génie de coloriste et de maître plasticien.
Sa technique tout à fait personnelle capture le mouvement de telle façon que, dans ses scènes de foules, par exemple, il ne se contente pas de peindre un moment dans le temps, mais un “glissement de temps” d’une milliseconde, saisissant le mouvement des personnages, de la lumière et de l’ombre, et du miroitement de la chaleur.
Au moyen des médias inertes que sont ses pinceaux, ses peintures et ses toiles, il n’essaye pas d’évoquer une immobilité photographique, mais cherche plutôt à représenter la qualité cinématique de ce qu’il a observé. Dans DOS DE FATIMAHS, une composition fauviste promptement exécutée, il ne s’efforce pas seulement de représenter les drapés des caftans de ses sujets et la qualité des tissus, mais par des coups de pinceaux rapides et exécutés avec parcimonie sur les hanches, le derrière, les épaules et les bras, il insuffle un sens réel d’énergie cinétique. Il ne s’agit pas d’une peinture sèchement académique, une étude de robes ethniques achetées au bazar, exécutée par un Orientaliste médiocre et sans aucun sens de la réalité ; sa toile est au contraire imprégnée d’un sens réel de l’endroit, du temps, de la culture, de la quintessence d’une marocanité à laquelle on ne peut échapper.
L’aptitude de Belyasmine à imprégner ses tableaux d’un sens réel d’énergie cinétique est également évidente dans ses paysages. Dans KOUBA DANS UN PAYSAGE PRINTANIER, les herbes ondulent sous le vent et les nuages courent dans un ciel turquoise. La direction du mouvement est spécifique, de droite à gauche ; les vents parfumés du printemps embrassent gentiment le paysage, avant que ceux de l’été ne le rendent aussi sec que du bois de feu. Une fois encore, l’artiste démontre son talent inné pour capturer le temps, le mouvement et un prodigieux sens du lieu.
C’est l’œuvre sensible d’un artiste à la poursuite d’une aventure amoureuse avec le Maroc, ses champs et ses rues, ses montagnes et ses mosquées, mais surtout son âme, ce caractère distinctif octroyé par Dieu aux différents peuples, avant que la mondialisation et le multiculturalisme ne viennent le corrompre.
Dans TABLE À LA LIMONADE, l’artiste combine l’art du portraitiste et celui du paysagiste, sans qu’aucun des deux éléments ne domine l’autre ; une synergie de coups de pinceaux différenciés, une palette modérée et un mouvement harmonisé. Une fois encore, il y a une marocanité dans ce travail, une observation amoureuse de personnes vraies à un moment donné. Mais, hélas, le monde n’est pas statique. Le changement, comme la mort, est un résultat de “la chute”. Les bouteilles de limonade, les verres en plastique et la nappe sont les signes avant-coureurs du changement, la pression inexorable vers la réalisation de la “modernité”, ce nirvana erroné de la commercialisation !
LUNCH, D’JEMMA EL FNA est un tableau aussi évocateur qu’il est honnête. Il est essentiellement dépourvu de tout repère iconographique qui hurlerait : “Marrakech !”. Les chefs et les serveurs, avec leurs coiffes blanches et leurs tabliers, pourraient travailler n’importe où dans le monde, dans un McDonald à Pékin ou dans une trattoria romaine ; toutefois, il y a quelque chose dans la pente des toits, la forme cuboïde des constructions, les murs teintés de rose, les longues tables sur leurs tréteaux, qui situent d’une façon absolue cette humble scène à Marrakech, de même que la présence évidente du majestueux minaret de la Koutoubia !